Hors de prix
Le coût absurde du "PFAS as usual"
Estimation des coûts :
Ali Ling / University of St. Thomas, School of Engineering, États-Unis
Hans Peter Arp / Université norvégienne des sciences et technologies -
Institut géotechnique norvégien
Raphaëlle Aubert / Le Monde
Eurydice Bersi / Reporters United
Texte: Eurydice Bersi / Reporters United
Illustration: Georgina Choleva / Spoovio
Conception du site web: Dafni Karavola / Reporters United
Traduction en français : Romane Bonnemé
Il y a 80 ans, les scientifiques ne savaient pas comment fabriquer des PFAS. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas nous en débarrasser.
Presque toutes les molécules de PFAS jamais synthétisées sont encore dans la nature. Certaines d'entre elles se décomposent pour donner naissance à de nouveaux PFAS.
Ces "polluants éternels" sont présents dans le sol, dans les gouttes de pluie, dans notre alimentation, dans notre sang. Ils peuvent notamment provoquer des cancers ou des perturbations hormonales et immunitaires.
Les PFAS sont des substances chimiques artificielles émises dans l'environnement par les usines qui les produisent ou les utilisent dans leurs processus industriels.
Ils sont directement déversés dans les cours d'eau.
La pollution par les PFAS rejetée des cheminées retombe sur le sol.
Les déchets industriels contenant des PFAS sont souvent mis en décharge.
Les PFAS pénètrent dans le corps humain par la nourriture, l'air ou la peau. Certains restent dans l'organisme et peuvent nuire à la santé. D'autres sont éliminés et se retrouvent dans les eaux usées.
Chaque incendie éteint avec des mousses extinctives chargées en PFAS a contribué à polluer l'environnement.
Ces substances sont toujours présentes dans les sols et les bâtiments où ces mousses ont été utilisées contaminant les eaux environnantes, les écosystèmes et les populations humaines.
De nombreux produits de la vie courante contiennent des PFAS. Les déchets finissent par se décomposer, mais pas les PFAS.
Ils s'échappent des décharges sous forme de gaz ou polluent les eaux souterraines et les rivières.
Aujourd'hui encore, dans de nombreuses régions d'Europe, les PFAS sont directement répandus dans les champs d'au moins quatre manières:
1. Des pesticides contenant des PFAS sont pulvérisés sur les cultures.
2. Des boues d'épuration dont la teneur en PFAS n'a pas été vérifiée sont utilisées comme engrais.
3. L'eau recyclée provenant de stations d'épuration des eaux usées dont la présence de PFAS n'a pas été vérifiée est utilisée pour l'irrigation.
4. De minuscules gouttelettes contenant des PFAS sont suspendues dans l'air et retombent sous forme de pluie.
L'industrie chimique connaît les dangers des PFAS depuis sept décennies.
Lorsqu'elle a dû faire face à des menaces juridiques et réglementaires et qu'elle ne pouvait plus continuer à fabriquer ou utiliser la première génération de PFAS, elle a créé des
PFAS plus petits qui sont tout aussi indestructibles et encore plus mobiles.
On les trouve désormais partout, en particulier dans les végétaux et l'eau, et ils s'accumulent rapidement. C'est ce qu'on appelle une "substitution regrettable".
Pas étonnant que les PFAS se retrouvent dans notre assiette à des niveaux croisants, qui continueront d'augmenter si la production de PFAS ne s'arrête pas.
Se débarrasser des anciens PFAS
€95 milliards sur 20 ans
Les journalistes du Forever Lobbying Project ont fait équipe avec des scientifiques pour calculer combien coûterait la gestion de la crise des PFAS.
Ils ont commencé par les anciens PFAS, de grosses molécules à « longue chaîne » qui sont limitées ou interdites mais qui restent dans l'environnement.
Ces produits chimiques ont été utilisés pendant des décennies pour fabriquer des poêles antiadhésives, des emballages alimentaires à usage unique et des textiles antitaches. Les experts les appellent les 4 EFSA :
PFOS, PFOA, PFNA, PFHxS.
L'assainissement des sources les plus chargées de PFAS à longue chaîne en Europe coûterait
€4.8 milliards par an.
Nos sociétés - ou, dans de rares cas, les pollueurs - sont confrontées à ces coûts même si l'utilisation des PFAS cesse immédiatement.
Si nous continuons à émettre, les coûts se multiplient.
Se débarrasser de tous les PFAS
€2.000 milliards sur 20 ans
Les PFAS à chaîne courte et à chaîne ultra-courte, comme le TFA, sont extrêmement mobiles. Ils peuvent très facilement pénétrer dans les cellules des organismes vivants.
Ces molécules sont trop petites pour la plupart des filtres à eau.
Il en coûterait environ €100 milliards d'euros par an
pour éliminer, même partiellement, les PFAS à chaîne courte et à chaîne ultra-courte de l'environnement et pour les détruire. Cela représente plus de deux mille milliards d'euros sur 20 ans.
Cela représente €2.000.000.000.000
Nous ne pouvons pas éliminer les PFAS du sang humain, de l'écume de mer ou de la pluie. Mais il y a encore beaucoup à faire.
Si l'UE agit maintenant, les concentrations de nouveaux PFAS comme le TFA pourraient cesser d'augmenter avant d'atteindre des niveaux nocifs dans l'eau potable.
Cependant, une alliance d'éternels pollueurs prétend que seule la génération précédente de PFAS posait problème.
Ils orchestrent une campagne de lobbying et de désinformation
à l'échelle de l'Union européenne pour faire échouer une proposition d'interdiction européenne des PFAS.
S'ils réussissent, nous serons tous les cobayes d'une expérience gigantesque et irréversible à l'échelle planétaire.